jeudi 1 octobre 2009

J’ai choisi de me tuer moi-même




Bandeko eza pasi mingi na EST kuna. Déspoir ekomi makasi! Nani akosalisa bandek'oyo!

MEV




Kinshasa, 29/09/2009 / Société
Sans espoir, de plus en plus de personnes, surtout des jeunes, se suicident à Bukavu. Traumatisés par les guerres et la pauvreté, ceux-ci perdent le goût de vivre. Des changements de comportement signalent en général leur désespoir. Y être attentif peut leur sauver la vie.
Un vieux de 72 ans s’est récemment pendu à Bukavu. Sa femme ne pouvait pas lui donner à manger, car leur foyer manquait d’argent. Ce dernier cas a porté à onze le nombre de suicides enregistrés, entre janvier et juin 2009, dans la capitale de la province du Sud-Kivu, à l’est de la RDC. Les jeunes des bidonvilles pauvres sont les plus touchés. D’abord confiants dans l’avenir, ils sont rapidement désemparés en voyant leurs espoirs entravés par l’incompréhension des plus âgés, de la société et même de leurs égaux. Les cas de suicide se multiplient et leur annonce circule mieux grâce au téléphone portable.Les guerres successives, l’insécurité toujours présente, les pillages récurrents, les assassinats fréquents, l’appauvrissement ont perturbé l’harmonie des familles et la cohésion sociale. « Quand on a en face de soi une communauté où les pauvres et les affamés sont les plus nombreux, le stress et les traumatismes sont au rendez-vous », analyse Jean-Bosco Waso Kazamwali, responsable d’Initiative d’évolution dans la communauté responsable (INECOM), une association qui accompagne les personnes du troisième âge.
« J’ai perdu le goût de vivre »
« Depuis cinq ans, j’ai perdu le goût de vivre », témoigne A. H., un garçon de 23 ans qui a tenté plusieurs fois de se tuer, mais a été sauvé de justesse par des proches. « Après chaque attaque, des cadavres étaient étendus dans les rues », se rappelle-t-il. Les hommes armés tuent sans pitié. Ils inventent la guerre pour tuer et même quand il n’y a pas de guerre ils tuent aussi et pire que durant les affrontements. A l’école, on nous a pourtant appris à respecter la vie ». « C’est pourquoi, confie-t-il, au lieu d’attendre qu’un autre vienne y mettre fin, j’ai choisi de me tuer moi-même. Plusieurs fois, j’ai essayé avec une corde.Les voisins m’ont sauvé, reprend-il en riant. Après, je me suis promené la nuit pour tenter de tomber dans les mains des bandits. En vain. Il a déclaré à ses amis que sa vie n’avait plus de sens à ses yeux. « C’est pour cela que nous continuons à le surveiller même à son insu », déclare l’un d’eux. « Prendre le poison, on pourrait me faire vomir. J’ai utilisé la corde et j’ai été sauvé de justesse », regrette un autre jeune. Mais tous n’ont pas eu cette chance.
Des signes avant-coureurs
La perte d’intérêt pour ce dont ils raffolaient, l’isolement, l’exposition au danger... sont des signes qui signalent des tendances suicidaires. Comme s’ils voulaient avertir leur entourage qu’ils voulaient mettre fin à leurs jours. « Depuis huit mois, H. K. avait changé son mode de vie, révèle la mère d’une fille qui s’est pendue en mai dernier. Elle avait changé de compagne d’école, n’allait plus à la messe le dimanche, rentrait plus tard que de coutume... »Les témoignages des voisins et des compagnons sont révélateurs. « H. K. disait qu’elle pourrait se suicider si elle échouait aux examens d’Etat », se rappellent les collègues de classe de la jeune fille qui s’est pendue avec son pagne après avoir passé les examens oraux de français et s’être saoulée avec ses camarades.Le suicide est un acte impulsif qui suit pourtant un processus complexe. Avant d’agir, la victime y songe longuement et le plus souvent, en parle à quelqu’un. Oswald Rubasha Muhemeri, un psychologue qui accompagne les victimes des guerres, prévient : « Les suicidaires sont des personnes ayant accumulé des chocs qui les rendent pessimistes, peureuses, relativistes, désespérées. Ces chocs aiguisent leur susceptibilité, leur fait perdre le goût de vivre. Ce point de non-retour conduit le plus souvent à la solution raccourcie : le suicide ».Le copain d’un garçon suicidé se souvient : « Depuis 5 mois, notre regretté ami était devenu alcoolique. Des soupçons de toxicomanie pesaient même sur lui, car il fréquentait déjà nuitamment des débits de boisson en compagnie de fumeurs de chanvre », regrette Jonas Balitalike, un étudiant.On ne se donne pas la mort par hasard et les personnes traumatisées ne veulent pas nécessairement mourir. Elles veulent seulement mettre un terme à la souffrance qu’elles endurent depuis longtemps. Elles s’exposent au danger pour hâter les choses, versent dans l’usage des stupéfiants « pour oublier les soucis », disent-elles souvent. « Lorsqu’une personne longtemps traumatisée change brusquement de caractère, de manière ostentatoire, c’est dangereux, avertit Oswald Rubasha. A ce moment-là, un entourage avisé peut encore sauver la situation.»(Tkm/GM/PKF)Thaddée Hyawe-Hinyi/Syfia Grands Lacs/Le Palmarès

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