La Chine à l’assaut de l’Afrique
Des investissements supérieurs aux sommes injectées par la Banque Mondiale, 800 000 Chinois installés sur place… L’Afrique est en passe d’être dévorée toute crue par l’Empire du milieu.
La croissance et même la survie économique de la Chine dépendent, paradoxalement et pour une part croissante, du continent le moins développé, l’Afrique. Pékin absorbe désormais 25 % de tout le cuivre consommé à travers le monde, 40 % du charbon, 35 % de l’acier, 10 % du pétrole et sa demande ne cesse de croître, et 90 % de tout l’aluminium. Une économie dévoreuse d’énergie, boulimique en matières premières qui s’est tout naturellement tournée vers la région qui en est le mieux pourvu.
Les Chinois ont lancé une véritable OPA sur l’Afrique en profitant à la fois de la perte d’influence occidentale, notamment française en Afrique de l’Ouest, et de la crise que traversent les institutions chargées de l’aide au développement.
En 2007 Pékin a investi plus de 9 milliards de dollars en Afrique alors que la Banque Mondiale s’est révélée incapable d’y injecter plus de 2,5 milliards de dollars. L’organisation internationale basée à Washington tente désormais de convaincre la Chine de devenir son partenaire pour le financement des projets africains.
Plus de 800 000 Chinois travaillent déjà sur ce continent pour plus de 900 entreprises de toutes tailles. Ils extraient le cuivre et le cobalt en Zambie et au Congo, le platine et le chrome au Zimbabwe ; ils achètent d’énormes quantités de bois au Gabon, au Cameroun, au Mozambique, en Guinée équatoriale et au Libéria, ainsi que l’acier, l’or, le charbon, le nickel dans tous les pays de cette zone qui en détiennent ou en produisent. L’Angola fournit la moitié du pétrole importé d’Afrique par Pékin. En janvier 2005 le gouvernement de Luanda a bénéficié d’un prêt chinois de 2 milliards de dollars gagés sur le pétrole, qui a augmenté d’un milliard de dollars l’année suivante. Officiellement pour réparer les infrastructures déficientes.
Les Chinois détournent le regard
En réalité, la Chine sait qu’elle traite avec des régimes totalement corrompus qui détournent à leur profit une partie de ces sommes. En juillet 2005, la Chine et le Nigeria, autre exemple de corruption à tous les niveaux, ont signé un accord de 800 millions de dollars qui prévoit la livraison de 30 000 barils de pétrole quotidien à la Chine ; le régime nigérian a aussi octroyé à la Chine des licences de forage en échange de 4 milliards de dollars.
Pour les nombreux dictateurs qui peuplent cette région, Pékin constitue une manne et une bénédiction : le régime chinois offre une alternative au tête à tête de plus en plus pesant et tendu avec les occidentaux, ne manifeste aucune exigence en matière de démocratie ou de bonne gouvernance, et enfin, propose gratuitement des services que ces régimes ont toujours été incapables d’offrir à leur population. Plus de 15 000 médecins chinois ont ouvert des dispensaires dans 47 États africains.
La Chine : un généreux investisseur
Désormais, l’Afrique fournit 1/3 du pétrole importé par Pékin. Ce qui explique qu’en 2006-2007, le Président chinois Hu Jin Tao ait visité 17 pays du continent. En 2005, le flux commercial entre la Chine et l’Afrique s’élevait à 40 milliards de dollars, il dépassera les 100 milliards de dollars avant 2010. Les réserves financières de la Chine dépassent 1 500 milliards de dollars et Pékin joue de cette puissance financière pour séduire, contrôler. En juin 2006, le Sénégal a ainsi bénéficié d’un allègement de sa dette, qui atteignait alors 20 millions de dollars.
Par ailleurs, la Chine s’est engagée à investir 35 millions de dollars dans le dernier délire pharaonique du Président Wade, la construction du plus grand théâtre d’Afrique de l’Ouest. Aussi mauvais gestionnaire que grand mégalomane, le dirigeant sénégalais se montre très satisfait de la réactivité chinoise : « un contrat », confie-t-il, « qui était discuté et négocié pendant cinq ans avec la Banque Mondiale, est conclu en 3 mois avec les Chinois ».
Il est vrai que pour Pékin, le temps presse. Et l’ampleur des investissements est à la mesure de cette urgence. 15 milliards de dollars ont été investis au Soudan depuis 1996, essentiellement dans le pétrole, et 500 000 barils par jour sont extraits, en grande partie par la CNPC (China National Pétroleum Corporation) , autorisée à extraire directement les gisements. Pékin finance et arme également les rebelles tchadiens avec, comme objectif, le contrôle des zones pétrolifères du pays.
Vive les matières premières !
Étendre la présence chinoise en République du Congo est devenu une autre priorité. Le plus grand pays d’Afrique est aussi l’un des plus pauvres au monde, avec un revenu annuel par habitant de 714 dollars. C’est également potentiellement le plus riche : son sous-sol recèle les plus importantes réserves mondiales de cobalt et de tantalum, un métal rare, et d’énormes gisements de cuivre, d’or, de diamants, de manganèse, d’uranium et de zinc. Un accord signé en septembre 2007 prévoit que la Chine injectera 6,5 milliards de dollars dans la construction ou l’amélioration des infrastructures du pays, ainsi que 2 milliards de dollars supplémentaires pour ouvrir ou moderniser de nouvelles mines.
Dans ce pays, les Chinois concurrencent directement les grands groupes miniers occidentaux mais disposent d’un atout de poids : leurs firmes sont des entreprises publiques capables de surenchérir inlassablement pour s’adjuger les concessions. Un seul exemple : en 2006 Sinopec, l’une des 3 compagnies pétrolières chinoises, a accepté de payer 2 milliards de dollars pour exploiter le pétrole sur trois lots situés dans les eaux territoriales Angolaises.
Cette stratégie rassure Pékin, quant à la stabilité de ses approvisionnements, et encourage les comportements les plus obscènes de certains dirigeants africains :
Depuis que du pétrole a été découvert dans la minuscule Guinée équatoriale, une ancienne colonie espagnole, la famille au pouvoir est courtisée par la Chine et les occidentaux. Malgré les gisements découverts, le niveau de vie de la population, déjà misérable, a encore chuté et le fils aîné du Président, et son successeur désigné, a pour principal préoccupation de négocier le rachat du yacht de Paul Allen, le co-fondateur de Microsoft.